Pierre Pharabod

Pilote d’avion des années 1930

Aéro-Club de Paris

Fin 1930, l’Aéropostale est en difficulté. On offre à Pierre Pharabod la place de chef pilote à l’Aéro-Club de Paris. Il va y former une soixantaine de pilotes et réaliser de grands voyages en Afrique sur avion de tourisme. En 1932 il effectue sur biplan Caudron Luciole un voyage Paris Brazzaville en suivant la côte de l’Atlantique jusqu’à Pointe Noire.
Brochure de l'Aéro-Club de Paris 1934

PHARABOD CHEF-PILOTE

D’après la brochure de présentation :

L’AERO-CLUB DE PARIS est essentiellement un Club de Touristes amateurs très actifs, qui se déplacent pour leur agrément et pour leurs affaires et dont la devise peut se résumer en un seul mot : « VOLER ». L’AERO-CLUB DE PARIS a été fondé en 1928 par M. Marcel Gallot, son Président actuel. Le Club a tout d’abord débuté par une école de vol à voile et portait le nom de « l’Avionnette ». Un seul planeur figurait alors à l’effectif matériel.

L’école de pilotage de l’AERO-CLUB de PARIS est placée sous la direction du Chef-Pilote PHARABOD et regroupe 12 Avions de Tourisme modernes de toutes marques (Caudron Luciole, Caudron Phalène, Farman, Hanriot »).

Pierre Pharabod et sa soeur sur Caudron Luciole C.232

TOUR DE FRANCE AVIONS 1931

Fin avril début mai 1931, Pierre Pharabod participe sur Caudron Luciole à un tour de France original : “le tour de France des avions et automobiles”.

Palace Hotel, Lyon 4 mai 1931
Chers Parents

Je viens d’arriver à l’aéroport de Lyon où jamais nous n’avons été si bien reçus. Avant cela je devrais dire que mon voyage s’est bien passé. J’avais R. Latour comme passagère qui jusqu’ici ne s’est pas trop mal comportée mais ça ne vaut pas un bon camarade sur qui l’on peut compter lorsque l’on a besoin d’aide au sol. Je vous remercie de votre lettre que J’ai bien reçue au Ferréol. J’y ai séjourné avec tous ceux de l’Aéropostale et Marseille Alger et Barcelone. A Nîmes la pluie fut si longue et si forte, 1j1/2, que je suis parti pour Marseille avec 20 litres d’eau dans le fuselage mais le « fada » de soleil marseillais a tout séché. Tout à l’heure J’avais à peine atterri à Montélimar que l’on me donnait avec mon livret de bord deux paquets de Nougat.
A Lyon, sur l’aéroport, nous avons eu un banquet dans la salle du port, une merveille. J’ai revu une grande quantité de camarades de toutes sortes, aussi bien civils, lignes ou militaires.
Je serai très heureux que vous m’attendiez le 10 à Orly, seulement je ne vous verrai sans doute que peu car nous ferons le concours de précision qui nous occupera beaucoup.
Monsieur Gallot va reprendre le tour à Strasbourg où la passagère ira à Paris par l’avion de nuit de la Cidna.
En vous disant à bientôt, je vous embrasse tous trois de tout coeur.

Pierre

P.S. Nous devons être à Orly environ vers les 9 ou 10h mais il faudra que je tâche d’avoir des suites.

Pierre Pharabod

GRAND TOURISME EN AFRIQUE

A l’Aéro-Club, Pharabod effectue des vols de formation en double commande et transporte des touristes de l’air et des hommes d’affaires. Mais il rêve de repartir en Afrique. Ce sera possible grâce au Comte De Moustier avec lequel il s’envole en mars 1932. De Moustier relate ce voyage dans la Revue de Paris du 15 mai 1933. Extraits des pages 408 à 433 :

 

DE PARIS A BRAZZAVILLE

Il est une heure du matin. Après une période de froid très vif, le temps s’est subitement radouci. Le Caudron Luciole, conduit à l’extrémité du terrain de Guyancourt, est entouré par les membres de l’Aéro-Club de Paris venus pour faire leurs adieux à Pharabod, leur chef pilote.
Le moteur, un cent chevaux Renault, est mis en route par les mécaniciens. Dans la nuit, un éclair de magnésium m’éblouit, et j’aperçois une rangée de photographes, journalistes et amis qui nous mitraillent à bout portant. Nous prenons place dans la carlingue. Un dernier point fixe pour éprouver le moteur et l’on retire les cales. Guidé par la lumière des phares d’autos, l’avion, alourdi par une charge utile égale à son propre poids, roule lentement. Des feux allumés en bordure de piste complètent un balisage de fortune. Bientôt la queue se lève et Pharabod décolle quelques mètres à peine avant la limite extrême qu’il s’était fixée.

Nous prenons de la hauteur et après avoir survolé le terrain et donné un dernier coup d’oeil d’adieux, nous piquons plein sud. Cet envol est le premier acte d’un long voyage de tourisme que nous entreprenons en direction de Madagascar.
De nombreux équipages nous ont déjà précédés sur ce parcours périlleux. L’Afrique a été survolée du nord au sud et de l’est à l’ouest par des avions de grand raid montés par les meilleurs spécialistes du pilotage et de la navigation. Mais aucun amateur en France ne s’est rendu encore dans nos possessions équatoriales avec une avionnette munie d’un équipement rudimentaire. Le constructeur lui-même nous disait au départ : « Mon avion a été construit pour aller de Paris à Deauville ou à Tours et vous voulez en faire un avion de grand raid ». L’expérience valait la peine d’être tentée.
Dès le début, le vol de nuit s’avère difficile. Pas de ligne d’horizon, de la brume partout. Après une heure et demie de vol, voici les lumières d’Orléans. Comme cette ville que j’ai déjà survolée paraît plus importante la nuit que le jour! Mais le temps se bouche à nouveau et nous ne verrons plus le sol jusqu’au matin. Lentement, dans la crasse, nous prenions de l’altitude. Le panache blanc qui couronnait le pot d’échappement était ma seule distraction pendant que Pharabod se livrait à la science délicate du pilotage sans visibilité, en lisant attentivement ses appareils de bord.
Ma joie fut grande quand le Luciole émergea enfin au-dessus de la couche des nuages. Beau spectacle. Lumineuse clarté après une obscurité épaisse, mais émouvante solitude! Sur nos têtes la multitude des étoiles et sous nos ailes une masse grisâtre : la mer de nuages! Le moteur tournait avec régularité, et à cette altitude nous pouvions franchir aisément le Massif Central. A mesure que la nuit avançait, le froid devenait plus vif. Le vent nous était nettement contraire et retardait notre marche…

Le pays que nous survolions était déjà désertique. Dans ces dunes de sable, la grande paix française ne se fait plus sentir. C’est la région dissidente. Les Maures, en effet, ont pris la mauvaise habitude de capturer, les aviateurs qui, involontairement, se posent sur leurs sables. Il faut ensuite marchander pendant de longs mois les rançons.
L’accident de Reine et Serre est encore présent à toutes les mémoires. Rendus libres après trois mois épouvantables, peinant le jour comme des forçats et bercés la nuit par la hantise d’une mort atroce, ils eurent Je courage dès leur libé-ration de reprendre leur service sur la ligne.
A dix heures et demie nous atterrissions à Cap Juby, petit fortin espagnol à l’entrée du Rio de Oro. Ce pays est avec une partie de la Tripolitaine la seule région d’Afrique qui ne soit pas encore pacifiée. Au cap Juby nous fûmes reçus par un colonel espagnol fort aimable qui nous offrit à déjeuner. Prisonnier dans son fort, il savoure les primeurs et les fruits qui lui viennent des Canaries, et paraît très heureux de l’inactivité complète que lui impose la politique de son gouvernement. Avant notre départ, les Européens du fort firent approcher un chameau du Luciole pour prendre une photographie. Cet animal habitué à jouer ce rôle d’antithèse ne manifesta aucun étonnement! Juby était-il autrefois le relais d’importantes caravanes? Je l’ignore. Mais aujourd’hui il voit passer plus d’avions que de chameaux… Il m’a semblé qu’elle ne finirait jamais, cette après-midi passée à survoler la côte aride et déserte du Rio de Oro. Pas une touffe d’herbe, pas un être vivant. Un vaste plateau tabulaire de regg surplombe la mer. Il se termine par de hautes falaises, aux pieds desquelles viennent se briser les vagues…

Voici enfin, après deux mille cinq cents kilomètres de sables, les premières touffes d’herbe. Nous avions l’intention de nous poser à Saint-Louis pour faire le plein d’essence et repartir, aussitôt vers le Soudan. Le chef de l’aéroport de Saint-Louis nous attendait sur le terrain. Il nous apprit que son mécanicien était parti à la chasse, emportant les clefs du hangar à essence. Il fallut chercher le ravitaillement en ville. Ce contretemps allait être gros de conséquences. Saint-Louis est à sept kilomètres du champ d’aviation. Le taxi qui nous emmena était poussif. Il s’arrêtait tous les trois cents mètres.
A trois heures seulement nous reprenions notre vol avec l’espoir d’atteindre Kayes au Soudan. Laissant de côté les larges méandres du Sénégal, nous prîmes au court à travers la brousse. Des troupeaux de buffles domestiques affolés par le bruit du moteur chargeaient dans la savane. Après deux cents kilomètres le fleuve reparut. Sur les bancs de sable de gros caïmans se prélassaient au soleil. Bientôt plus qu’une heure de jour devant nous. Où se poser? Un terrain de secours n’était pas loin. On en trouve environ tous les quarante kilomètres le long du Sénégal. Le guide Michelin les indique tous avec les ressources qu’offre le village le plus voisin. Nous choisîmes Bakel, un centre important. Le terrain était en aval du village; aucun signe distinctif ne le limitait. Pharabod fit un passage en rase-mottes pour le reconnaître, puis se posa en bordure du terrain, sur un sol dur et cahoteux…

Sur le chemin du retour l’avion est victime d’une “panne définitive de moteur” et le voyage s’achève à Tondibi près de Bourem au sud du Sahara. De Moustier relate le voyage de retour par les moyens locaux dans un texte qui ne figure pas dans le récit publié par la Revue de Paris.

 

Les étapes du Caudron Luciole F-ALSL d'après le carnet de vol

AU CONGO

Service spécial par T.S.F.

LE RAID DE PHARABOD ET DE MOUSTIER
Léopoldville, 10 mai

Les aviateurs français Pharabod et comte de Moustier sont arrivés à Léopoldville où ils ont été reçus par M. Morel, commissaire de district, représentant le gouverneur de la province du Congo-Kasaï, et par M. Dumon, directeur de la Sabena qu’entouraient tous les pilotes présents à Léopoldville. l’appareil, avec lequel ils ont effectué leur raid, est un Caudron muni d’un moteur Renaud de 95 chevaux et porte le nom de « Luciole ».
Partis de l’aérodrome de Billancourt au début de mars, les aviateurs ont effectué leur voyage en suivant la côte de l’atlantique par le Maroc et le Rio-de-Oro. A leur arrivée à Douala leur avion capota par suite du mauvais état du terrain d’atterrissage et les aviateurs furent immobilisés pendant un mois et demi en attendant l’arrivée des pièces de rechange expédiées de France. Ils parvinrent à redresser eux-mêmes leur ancienne hélice avec laquelle ils continuèrent leur route, quoique en possédant une nouvelle. Le but que poursuit le comte de Moustier est la propagande touristique : il voudrait amener les aviateurs amateurs à visiter l’Afrique.
Le comte de Moustier dirige le club de « l’Aviette » à Paris. Pharabod, qui est un ex-pilote de l’Aéro-Postale, est le chef moniteur du club. Les deux aviateurs comptent poursuivre leur voyage par Coquilhatville, Bangui, Fort-Lamy et Gao.
Le comte de Moustier est le neveu du prince Eugène de Ligne, qui est arrivé récemment au Congo en automobile. Les deux aviateurs seraient désireux de rencontrer les automobilistes sur le chemin du retour afin de pouvoir se prêter une aide mutuelle, en cas de besoin, pour la traversée du désert qui ne manquera pas d’être pénible en cette saison.

Article d’un journal belge PRESCOBEL